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lundi 8 décembre 2014

La traque méthodique de l’internaute révolutionne la publicité

Ecrit par bbela  |  le  lundi 8 décembre 2014 pas de commentaires


Pendant que l'espionnage des données informatiques par le gouvernement américain provoque des protestations en série, les entreprises, quant à elles, affinent les techniques leur permettant de suivre les internautes à la trace. Elles y sont aidées par la multiplication des informations personnelles sur la Toile. Echapper à leurs messages publicitaires devient alors un parcours du combattant…

« Une Guinness, John ? » ; « Stressé, John Anderton ? Besoin de vacances ? » Interprété par Tom Cruise, le héros de Minority Report ne peut faire un pas sans être assailli par des messages publicitaires personnalisés diffusés sur des écrans. L'action de ce film se déroule en 2054. Son réalisateur, Steven Spielberg, n'imaginait sans doute pas lors de son tournage, en 2001, que beaucoup des inventions qu'il mettait en scène existeraient déjà dix ans plus tard. Objets connectés à Internet, écrans tactiles, interfaces gestuelles, reconnaissance vocale, journaux sur écran qui se mettent à jour en temps réel, panneaux d'affichage numériques capables de reconnaître le passant par suivi du regard (eye tracking)... Toutes ces technologies sont expérimentées quotidiennement et permettent aux industries de la publicité de se réinventer.

Google promet de commercialiser dès l'année prochaine ses Google Glass, des lunettes grâce auxquelles on peut consulter une page Web ou cliquer sur ses courriels par une simple inclinaison de la tête. En connexion mobile, un individu pourra entrer dans un aéroport et voir s'afficher sur le verre de ses lunettes non seulement le parcours balisé jusqu'à la zone d'enregistrement, mais le numéro de son vol et l'heure d'embarquement. L'autre versant de cette prouesse technologique est aisé à imaginer : rien de ce que vous verrez ne pourra échapper au géant californien — ce que vous faites, les endroits que vous fréquentez, les produits que vous consommez, les gens que vous rencontrez...

Il fut un temps où l'humanité consommatrice se subdivisait en autant de cibles qu'il y avait de publics à séduire à travers les médias de masse. Ce temps-là est révolu (1). Des serveurs utilisés à des fins publicitaires recensent désormais nos centres d'intérêt, nos liens sur les réseaux sociaux, nos goûts culturels, les lieux que nous visitons ou encore nos achats. Bref, bien qu'il ne s'agisse jamais officiellement de ficher une population, la catégorisation peut être si précise que, même sans connaître nommément le consommateur, une marque est en mesure de tout savoir à son sujet.


Comme le constate M. Hervé Bazot, président de l'association UFC - Que choisir, on observe une « captation tentaculaire, dans l'opacité, et une utilisation à l'infini de ces données personnelles (2) ».En France, la loi informatique et libertés de 1978 demande pourtant d'assurer la transparence et l'information préalable de toute personne fichée. Et si des données viennent à être archivées, ce stockage est limité dans le temps.

Crainte d'une législation trop rude

Or il est impossible de savoir combien de temps les Google, Facebook,Yahoo et autres groupes conservent nos données. L'Union européenne a adopté dès 1995 une directive pour assurer la protection des informations à caractère personnel, et elle a reformulé cette exigence en 2009 à l'occasion d'une autre directive dite « paquet télécoms » — retranscrite en France par une ordonnance du 24 août 2011 ; mais elle peine à faire appliquer un texte qui doit être transposé en droit dans chacun des vingt-huit Etats membres. En janvier 2012, Bruxelles a donc adopté un règlement d'application directe pour éviter les interprétations multiples.

Alors que les géants de l'Internet se défendent en arguant qu'ils disposent de données anonymisées, la Commission européenne tend à considérer que l'adresse IP — pour Internet Protocol, soit l'identité de l'ordinateur — est un élément amenant à la constitution d'une donnée personnelle. Le consommateur doit donc savoir qu'elle est collectée, pour quelle durée, et approuver son utilisation à des fins publicitaires ou de ciblage. Ce texte réglementaire, qui doit être présenté au Parlement européen fin 2013, a déjà donné lieu au dépôt de quatre mille amendements diligentés par les lobbys. Il devrait être voté à la Commission au printemps prochain, pour être appliqué en 2016.

Seules les données de géolocalisation font actuellement l'objet d'une demande d'accord préalable de la part des fournisseurs d'applications mobiles. Mais le mobinaute hésite d'autant moins à se localiser que c'est pour lui le seul moyen d'accéder aux services en situation (« autour de moi ») pour trouver un restaurant, une borne de vélos en libre service, une station de métro, etc. Et l'accord de l'usager n'est pas toujours sollicité. Selon une étude de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) rendue publique en avril 2013, 31 % des cent quatre-vingt-neuf applications testées pendant trois mois sur i-Phone accèdent automatiquement à la géolocalisation du mobinaute, et 8 % à son carnet d'adresses. Apple rend obligatoire la présence d'un identifiant à des fins de ciblage publicitaire pour tout utilisateur de son système d'exploitation iOS 6. Ce code permet de stocker les habitudes de navigation, à la façon des cookies.

Les cookies ? Ces petits fichiers robots qui suivent à la trace notre navigation sur le Web rendent la publicité sur Internet particulièrement efficace. Selon le rapport de la sénatrice centriste Catherine-Morin Dessailly, on en compte en moyenne trois cents stockés sur un navigateur (Explorer, Safari, Firefox…).

En mars 2013, le groupement des CNIL européennes, dit « G29 », a publié des recommandations afin de limiter au strict minimum l'accès aux données personnelles des utilisateurs. Il préconise de recourir à des identifiants temporaires, et surtout d'informer les internautes sur les données collectées, ou encore de leur demander leur consentement avant tout traçage publicitaire. Cette option, dite opt in, qui laisse à l'usager le contrôle réel des données qu'il fournit, est rejetée par le lobby de la publicité en ligne. Celui-ci, représenté en Europe par l'Internet Advertising Bureau (IAB), lui préfère l'opt out, qui implique une démarche active de retrait de l'internaute. L'IAB promeut ainsi la plate-forme Youronlinechoices.eu, qui renvoie sur une page de désactivation des fichiers espions. Pour y accéder, l'internaute est invité à cliquer sur un onglet où, dans le meilleur des cas, il lui est proposé — en vert — d'« accepter toutes les sociétés » envoyant des cookies ou — en rouge — de « refuser toutes les sociétés ».


Avant même que l'on clique sur l'option rouge, Google ne communique plus qu'en anglais, et eBay prévient que « des publicités continueront de s'afficher mais [qu']elles risquent d'être moins pertinentes ». Une fois le bouton fatidique enclenché, Yahoo explique que « l'outil n'a pas réussi à se connecter à toutes les sociétés », et que l'incident est probablement imputable à... des « plug-ins de blocage publicitaire du type Adblock Plus (3) [qui] peuvent faire échouer les désactivations ».


Quant à MSN, le portail de Microsoft, il préfère égarer l'internaute depuis l'onglet « choisir sa pub » en l'orientant vers une zone « en savoir plus » qui contient une déclaration de confidentialité. Là, il nous est rappelé que les cookies servent à « activer certaines fonctionnalités de recherche ». Et s'il est bien proposé un lien vers « notre page de refus de la publicité », l'internaute retombe sur l'interface de départ, après un parcours qui l'a mené d'« autres éléments à connaître » à « affichage de publicités » puis à une « page de désengagement » aboutissant à... une impasse.


Faut-il alors compter sur le contrôle par le navigateur ? La Digital Advertising Alliance (DAA), qui fédère des agences de ciblage, des annonceurs et des médias américains comme Time, le Washington Postou le groupe Condé Nast, et qui représente 90 % des publicités ciblées sur Internet aux Etats-Unis, prône l'autorégulation. Fin 2012, ses quatre cents membres s'étaient engagés à ne plus suivre à la trace les internautes qui le demandaient depuis leur navigateur. Mozilla, qui fonctionne sur le modèle « libre », a annoncé en février dernier qu'il allait bloquer par défaut les cookies commerciaux sur son navigateur Firefox ; et il a été le premier à proposer l'option « navigation privée »(do not track). A sa suite, Internet Explorer (Microsoft), Safari (Apple) et enfin Chrome (Google) ont adopté des dispositifs similaires. Il faut dire que la simple évocation par l'administration Obama, en 2012, d'un projet de « charte pour la protection des données des consommateurs », avant le vote d'une loi au Congrès, a incité les acteurs de la publicité à faire preuve de bonne volonté afin d'éviter une législation trop rude.


Mais ces solutions sont loin d'être parfaites. D'abord parce qu'il est possible pour les sociétés de ciblage publicitaire d'obtenir des informations de navigation à l'insu de l'internaute en passant par la mémoire cache, cette mémoire informatique qui enregistre temporairement des copies de données afin de diminuer le temps d'accès à ces contenus. Ce n'est pas possible partout — notamment sur Firefox —, mais ça l'est sur Safari.


Quant au système de « navigation privée », la CNIL a relevé qu'il n'était conforme au droit à la confidentialité reconnu par la directive européenne transposée en France en 2011 que s'il était activé par défaut sur les ordinateurs. Une voie que refusent catégoriquement les géants de la publicité, qui sont souvent aussi les fabricants américains de ces logiciels de navigation. Pour l'heure, l'Europe de l'option d'adhésion(opt in) continue de s'opposer à l'Amérique de l'option de retrait (opt out).


Une publicité pour machine à laver envahit tous les sites que vous consultez après que vous avez cherché à connaître le prix des modèles existants ? C'est bien le signe que vous êtes tracé, à travers les fameux cookies. Mais, pour s'adapter aux réfractaires qui les effacent comme aux applications mobiles qui n'y ont pas recours, certains acteurs sont déjà dans l'après-cookies. Ils misent notamment sur l'empreinte digitale, une technologie établie à partir des traces laissées par le navigateur ou l'appareil lui-même. C'est ce qui inquiète Criteo, la société française à succès qui projette de s'introduire au Nasdaq : elle cible les internautes à partir des cookies, lesquels, avec l'apparition d'autres méthodes de traçage, pourraient être rejetés, à l'avenir, par le navigateur Chrome de Google (4).


Google, par ailleurs, s'est fait une spécialité de cibler en fonction du contexte éditorial à travers son programme AdSense : celui-ci adresse de la publicité en fonction de la thématique présente sur la page Web consultée. Ou à travers la commercialisation de liens sponsorisés en réponse à des requêtes sur le moteur de recherche, mais aussi en fonction de mots prélevés sur les comptes de messagerie Gmail — une publicité « Vacances au Maroc » si un courriel que vous avez reçu mentionne ce pays, par exemple.


A ce ciblage contextuel et comportemental s'ajoute une nouvelle dimension, fondée sur l'interaction sociale. Plus opaque encore que Google sur l'usage qu'il fait des données personnelles, Facebook exploite des informations fournies volontairement par ses membres à destination de leurs « amis ». Age, ville, centres d'intérêt, profession... A cet apport se joignent les « amis » géolocalisables des utilisateurs du réseau social. « Nos carnets d'adresses sont entièrement scannés par Facebook à travers notre téléphone mobile ou notre Webmail, et une identification biométrique par défaut lui permet de reconnaître logos et visages sur les photos sans que le contributeur ait donné son autorisation explicite », explique l'association Internet sans frontières (AFP, 18 mai 2012).


La promotion par le « like »

 

En 2007, Facebook avait dû s'excuser pour son programme Beacon, qui alertait la communauté des « amis » dès qu'un de ses membres effectuait un achat en ligne. Aujourd'hui, la publicité s'efface devant la recommandation dite « sociale ». L'internaute qui clique sur « j'aime » et devient fan d'une marque partage automatiquement la nouvelle avec tout son réseau. « L'exposition à une marque "likée" par un ou plusieurs amis multiplie par quatre l'intention d'achat des utilisateurs exposés à ces pubs », indique M. Matthieu de Lesseux, président de DDB Paris (Challenges, 5 avril 2012). La publicité, elle, apparaît dans le fil d'actualité (timeline), parmi les éléments publiés par les « amis ». Twitter insère lui aussi des messages sponsorisés dans ce fil réservé normalement aux comptes sélectionnés par l'utilisateur. Une publicité qualifiée de « native », car née au sein même du flux d'information.
La communauté « amie » peut savoir ce que l'utilisateur écoute via le service de musique en ligne Deezer, ce qu'il lit grâce à des partenariats avec des journaux, et donc ce qu'il souhaite acheter. « Très peu d'utilisateurs comprennent totalement — et encore moins contrôlent — l'exploitation des données utilisées pour pousser l'activité publicitaire de Facebook », souligne M. Jeff Chester, directeur du Center for Digital Democracy (AFP, 1er février 2012). Il suffit de cliquer sur le bouton « Facebook connect » pour que le réseau social fournisse à un site tiers les informations sur l'identité d'un client. Les conditions générales d'utilisation du réseau social, qui modifie régulièrement ses paramètres de confidentialité, sont généralement illisibles. Les data centers, ces parcs de serveurs qui stockent les données, sont d'ailleurs la propriété des géants californiens et échappent à tout contrôle des autorités européennes (5).


On peut penser que les mastodontes d'Internet vivant de la publicité ne nous coûtent rien. C'est faux : ils nous coûtent nos données. Une valeur totale estimée à 315 milliards d'euros dans le monde en 2011, selon le Boston Consulting Group. Une richesse fournie par les internautes eux-mêmes, qui deviennent des « quasi-collaborateurs, bénévoles, des entreprises », comme l'écrivent MM. Nicolas Colin et Pierre Collin dans un rapport sur la fiscalité à l'ère du numérique (6). Localisés dans des terres d'asile européennes, soustraits à l'économie réelle par des systèmes d'évasion dans des paradis fiscaux, ces géants ne payent pratiquement pas d'impôts sur les sociétés ou échappent à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour 2,5 à 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, les entreprises Google, Apple, Facebook et Amazon (lire « Amazon, l'envers de l'écran ») ne versent que 4 millions d'euros,« alors qu'elles pourraient être redevables de 500 millions d'euros si le régime fiscal leur était pleinement appliqué », selon un avis du 14 février 2012 du Conseil national du numérique (7).

Les grands acteurs nord-américains d'Internet déstabilisent le marché publicitaire. Alors que leurs recettes explosent, celles des médias traditionnels ne cessent de baisser. Entre 2007 et 2012, en France, le marché est passé de 4,8 à 3,2 milliards d'euros pour la presse, et de 3,6 à 3,3 milliards d'euros pour la télévision. Or les médias traditionnels financent la création de contenus : œuvres de fiction, films de cinéma, documentaires, enquêtes, reportages... En France, sur 1,8 milliard d'euros de recettes publicitaires en ligne — liens sponsorisés inclus —, Google à lui seul capte quelque 1,5 milliard d'euros.

Des espaces mis aux enchères

La télévision cherche à riposter en créant ses propres services de publicité individualisés. En France, des applications destinées au second écran (téléphone, tablette...) permettent de recueillir des informations sur le téléspectateur-internaute sous prétexte d'un jeu-concours. Il devient ensuite possible d'adresser des messages ultraciblés et de contourner la réglementation interdisant de publicité télévisée des secteurs comme l'alcool, le cinéma ou l'édition. Au Royaume-Uni, B Sky B, l'opérateur de télévision par satellite appartenant à M. Rupert Murdoch, a démarré en août des campagnes de publicité qui ciblent les téléspectateurs abonnés en fonction de la rue où ils habitent, de la composition de leur foyer ou de leurs programmes préférés (8). A la suite d'un accord, en septembre et octobre 2013, avec des médias américains (CNN, ABC, NBC), britannique (B Sky B) ou français (TF1 et Canal Plus), Facebook a de son côté accepté de livrer à des chaînes de télévision des données sur l'âge, le sexe et la localisation de ceux qui commentent leurs émissions sur le réseau social. Un outil intéressant pour affiner le ciblage publicitaire comme les sujets qui font réagir.


Face à cette déferlante du sacro-saint big data (9), les médias peinent à défendre la valeur de leur espace publicitaire, non seulement sur leur support traditionnel, mais désormais aussi sur le Net. Les formats classiques de sites médias comme les bannières de publicité sont moins prisés. Attaqués sur leurs prix par la gratuité des contenus disponibles sur Internet, ils sont aussi menacés par des plates-formes de distribution d'audience digitale à bas coût qui agglomèrent divers sites, blogs ou espaces sociaux et ne valorisent pas l'environnement éditorial, même s'il est plus qualitatif.


Ces places de marché sont gérées par les géants du Web, Microsoft, Facebook ou Yahoo par exemple, mais aussi par des acteurs spécialisés. Pour leur faire face, fait unique dans le monde, les médias français ont décidé en août 2012 de s'associer afin de monter deux plates-formes automatisées comparables, dites ad exchanges, mettant en relation directe acheteurs et vendeurs sur Internet : La Place Média et Audience Square. D'un côté, les groupes Lagardère, TF1, Le Figaro, Amaury, France Télévisions ou Marie Claire ; de l'autre, les groupes M6, RTL, Prisma, Le Monde, Le Nouvel Observateur, Le Point ou Mondadori.


L'objectif reste le même : réunir les pages invendues sur Internet et les proposer en masse aux annonceurs les plus offrants. Un travail qui nécessite de nouvelles compétences dans les régies publicitaires : data scientist  expert en données »), architecte de base de données, etc.


Les médias sont ainsi entrés, sur le modèle de Google et de son réseau de commercialisation de mots-clés (AdWords) (10), dans un monde d'enchères en temps réel (real time bidding) fonctionnant comme la Bourse par le biais de courtiers en ligne (trading desk).
Dans ce monde, où le nombre de transactions est douze fois supérieur à celui du New York Stock Exchange. En cent vingt millisecondes, dès qu'un internaute consulte une page Web, un emplacement publicitaire est proposé aux enchères, la mise la plus élevée obtenant l'allocation de la publicité. Ce type de commercialisation reposant sur un algorithme d'enchère représente près de 15 % de l'achat de publicité en ligne en France, et déjà 30 % aux Etats-Unis.


Le paradoxe est que ce marché fondé sur la pertinence d'un algorithme compromet le métier traditionnel des régies publicitaires des médias, comme de leurs intermédiaires en conseil et achat d'espace. Rien n'interdit désormais la connexion quasi directe entre un annonceur et une audience : le travail de ciblage ne requiert plus l'expertise de mandataires, il s'impose automatiquement grâce au traitement des données des internautes et à la puissance de calcul des plates-formes d'enchères. Ceux qui détiennent les données à la source sont en mesure de les vendre.
Pour s'adapter, les agences issues des groupes Publicis, Havas, WPP ou Omnicom ont d'ailleurs développé elles-mêmes des activités de courtage en ligne, même si cela constitue une entorse à la loi Sapin de 1993, qui interdit qu'un vendeur soit également acheteur d'espace publicitaire. En juillet dernier, M. Maurice Lévy, le président de Publicis, a lui-même annoncé la fusion de son groupe avec l'américain Omnicom afin de mieux répondre à l'« explosion du big data et de l'analyse en temps réel » et de « croquer des milliards de données afin de venir avec un message qui est pertinent pour une audience très restreinte (11) ».


Qui sortira gagnant de ce jeu ? Autant l'enchère sur Google AdWords s'effectue sur une ressource rare — le mot convoité par les annonceurs —, autant celle qui concerne les espaces publicitaires invendus des plates-formes se porte sur une denrée quasi infinie, ce qui ne peut que tirer vers le bas les prix de la publicité sur Internet. A ce petit jeu, c'est encore et toujours Google qui gagne, les ad exchangesdes médias n'apportant qu'une réponse globale défensive, sans garantie sur les rendements. En France, les investissements publicitaires générés par les moteurs de recherche, de 1,2 milliard d'euros, sont d'ailleurs près du double de ceux de la publicité en ligne classique.


En 2020, selon une étude récente du groupe suédois Ericsson, cinquante milliards d'objets seront connectés dans le monde (La Tribune, 22 septembre 2013). Cette vague qui nous submerge et qui permettra de nous suivre dans les moindres recoins de notre intimité semble d'autant plus incontrôlable qu'elle porte l'innovation numérique, nouveau pilier de la croissance capitaliste. Mais elle n'est alimentée que par notre propre tendance à l'« extimité », chaque jour encouragée sur les réseaux sociaux. « Le plus grand danger, résume le blogueur américain Andrew Queen, c'est nous-mêmes, les "Little Brothers" qui formons le "Big Brother" du XXIe siècle (12). »
Marie Bénilde
Journaliste.


Le monde diplomatique



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